10 mesures concrètes pour améliorer l’accessibilité du SECAL...

Deux ans d’économies pour aller en justice et obtenir les documents nécessaires pour demander l’aide du SECAL

Pour pouvoir introduire une demande au SECAL, il ne suffit pas d’avoir un simple accord amiable entre parents : le parent demandeur doit disposer d’un acte authentique (acte notarié, un accord homologué) ou d’un jugement qui fixe le montant de la contribution et/ou de la pension alimentaire[1]. Or, 42% des parents s’arrangent à l’amiable suite à une séparation, que ce soit parce qu’ils s’entendent bien à ce moment-là ou parce qu’ils ne parviennent pas à payer le coût de la justice. Toutes les mamans interrogées ont eu des difficultés financières pour payer la procédure judiciaire (avocat.e.s, droits de rôle, etc.) ou les démarches devant un notaire afin d’obtenir un document officiel.

«  J’ai dû mettre de l’argent de côté durant plus de 2 ans pour introduire une demande devant le Tribunal de la famille. Ensuite, j’ai dû payer l’huissier de justice ».

Plusieurs centaines d’euros pour faire signifier le jugement par un huissier de justice

En outre, la décision qui fixe le montant de la pension alimentaire doit être signifiée au parent débiteur par un huissier de justice avant d’introduire une demande au SECAL. Dans certains cas, l’un des parents fait directement signifier la décision une fois le jugement prononcé pour le rendre définitif (c’est systématiquement le cas en cas de divorce par exemple). Mais si ce n’est pas le cas (par exemple si les parents n’étaient pas mariés et qu’ils n’ont pas jugé nécessaire de faire signifier le jugement tant qu’aucun problème ne se posait), les parents ou ex-partenaires doivent le faire avant de pouvoir recourir au SECAL. Cette démarche préalable n’est pas nécessaire pour les accords qui sont signés chez un notaire.

Dans le cas d’un jugement, les frais de la procédure de signification, qui s’élèvent à plusieurs centaines d’euros, sont alors à charge du parent qui souhaite faire exécuter le jugement et introduire une demande d’aide au SECAL. Les parents rencontrent des difficultés pour payer ces procédures car ils sont déjà dans une situation financière précaire puisqu’ils assument seuls tous les frais des enfants.

« C’était cher, l’huissier de justice. Je me suis demandé si cela en valait la peine. En plus, j’ai dû payer les frais de traduction de mon jugement qui était en français comme je réside en Flandre ».

La nécessité d’attendre deux mois d’impayés et la longueur de la procédure

Attendre que deux mensualités de la pension ou de la contribution alimentaire n’aient pas été versées ou pas été intégralement versées au cours des douze mois précédant la demande (condition pour recourir au SECAL) est trop long selon les mères concernées. Le délai entre l’introduction de la demande et le recouvrement effectif des créances alimentaires s’étend ensuite sur plusieurs mois.

De plus, il convient de souligner que ces mères ont déjà dû assumer les frais de l’huissier de justice pour signifier le jugement et, dans certains cas, tenter de récupérer les arriérés. Elles mentionnent également ne recevoir aucune contribution financière de la part du père pour les frais extraordinaires des enfants[2], ou une somme insuffisante, ce qui fragilise davantage leur situation budgétaire. Par conséquent, le fait de devoir attendre deux mois d’impayés pour recourir au SECAL aggrave leur situation financière déjà précaire, entraînant un déséquilibre budgétaire important.

« On doit pallier financièrement durant les mois d’attente, ce n’est pas possible »

« Il faut attendre deux mois d’impayés, c’est trop. Les contributions alimentaires font partie du budget du ménage, on a besoin de cet argent et on n’a pas de temps à perdre. Il faut que ce soit le plus rapide possible ».

« Il faudrait verser les avances plus vite, au moins un montant minimum dès le début de la demande ».

Le SECAL se rembourse lui-même avant de verser les arriérés aux parents

Le SECAL verse les arriérés uniquement s’il les a récupérés, soit par un versement volontaire, soit par saisie. Il peut s’écouler de nombreux mois avant que le SECAL puisse obtenir de l’argent. Si des avances ont été versées pour des contributions alimentaires, les frais de recouvrement de celles-ci ainsi le montant des avances accordées, les frais de fonctionnement du SECAL et les intérêts sont prioritaires au remboursement des arriérés au parent créancier. Ce n’est que lorsque cette dette du SECAL est entièrement payée qu’il versera les arriérés au parent[3].

Des avances plafonnées à 175 euros par mois, somme non indexée depuis… 20 ans

Le montant des avances est limité à 175 euros par mois et par enfant (quel que soit le montant de la contribution alimentaire impayée). Il n’a jamais été augmenté, ni indexé, depuis la création du SECAL. Sur les sept mamans interrogées, l’une a 4 enfants à charge et les contributions alimentaires ont été fixées à un montant total de 750 euros. Ce montant dépasse de 50 euros le plafond de 175 euros par mois (4 x 175 euros = 700 euros).

« Le surplus, donc les 50 euros manquants, tombe dans les arriérés alors que j’ai besoin de cette somme pour subvenir aux besoins de mes enfants ».

[1] Ligue des familles, Agir contre les créances alimentaires impayées, novembre 2021, disponible sur : https://liguedesfamilles.be/article/agir-contre-les-creances-alimentaires-impayees.

[2] Les frais dits « extraordinaires » sont les dépenses exceptionnelles, nécessaires ou imprévisibles qui résultent de circonstances accidentelles ou inhabituelles et qui dépassent le budget habituel affecté à l'entretien quotidien de l'enfant qui a servi de base, le cas échéant, à la fixation du montant de la contribution alimentaire.

[3] Art. 23 de la loi du 21 février 2003 créant un Service des créances alimentaires au sein du SPF Finances.

Le manque de guichets physiques

Le fait que l’introduction de la demande au SECAL soit prioritairement devenue numérique, combiné à la réduction des horaires d’ouverture et du nombre de guichets d’accueil, expliquent en partie pourquoi le SECAL n’est pas plus largement utilisé. Le nombre d’infos centres est passé de 30 à 11 depuis 2004 (Bruges, Gand, Anvers, Louvain, Hasselt, Bruxelles, Mons, Charleroi, Namur, Liège, Neufchâteau.) Cette réduction des points de contact rend l’accès physique aux services du SECAL plus difficile pour un grand nombre de demandeurs.

Plusieurs mamans interrogées ont attiré l’attention sur l’importance de maintenir une variété de canaux de communication : bureaux physiques où elles peuvent se rendre en personne pour obtenir de l’aide pour introduire la demande et des informations sur la suite de la procédure, les lignes téléphoniques pour une assistance directe, ainsi que les services postaux pour celles préférant les communications écrites.

« La procédure en ligne est simple, mais il a été nécessaire d’avoir un contact téléphonique. J’aurais voulu avoir un rendez-vous en présentiel pour mieux comprendre et voir les documents juridiques que je devais fournir. Mais ce n’était pas possible, car c’était le COVID-19 ».

« Par mail c’était très compliqué de se comprendre avec le SECAL, je recevais des réponses types alors que mon cas était un peu particulier. Je me suis rendue sur place et cela s’est très bien passé, la situation s’est débloquée rapidement. C’était vraiment nécessaire de me rendre dans un bureau ».

 « Cela a été très difficile d’avoir une personne au téléphone et d’avoir un rendez-vous ».

 « Il faudrait un endroit où les personnes peuvent se rendre, pas trop loin ».

« Il faut une accessibilité dans des bureaux, la solution de la rencontre doit être plus vite proposée quand la situation n’est pas standard ou ne rentre pas dans une case. Ou alors pour démarrer la demande ce serait bien d’avoir une personne en face de soi ».

Il est actuellement envisagé d’instaurer un soutien au sein des CPAS pour aider à remplir une demande auprès du SECAL, mais actuellement cette assistance semble être réservée aux bénéficiaires, excluant ainsi les parents qui ne bénéficient pas d’une aide du CPAS. Cette restriction peut induire en erreur certaines personnes quant à leur droit à bénéficier du SECAL.

« Pourquoi pas avoir de l’aide dans les CPAS pour faire une demande au SECAL, mais uniquement pour les bénéficiaires du RIS, pas pour ceux qui n’ont pas le CPAS. Sinon j’aurais cru que je n’y avais pas droit. J’aurais eu l’impression de tout mélanger et de ne pas réclamer à son papa de payer. C’est mieux d’avoir un contact directement avec le SECAL. Le contact humain a tout fait, c’est cela le plus important. Il faut préserver cela un maximum ».

L'absence de personne de contact pour chaque dossier

Plusieurs mamans regrettent que leur dossier ne soit pas attribué à une personne définie au sein du service du SECAL. Elles racontent qu’elles ont perdu beaucoup de temps et d’énergie à devoir expliquer leur situation à de nombreuses reprises.

« Les personnes n’ont pas une vision globale de mon dossier. Il faut toujours tout expliquer une nouvelle fois et je recevais des informations contradictoires ».

« J’ai eu des dizaines de personnes au téléphone, à chaque fois avec des nouvelles idées ».

La difficulté à comprendre les informations sur le site internet

Plusieurs mères ont souligné le manque de clarté de certaines informations sur le site internet du SECAL, notamment sur ses missions et la marche à suivre pour faire la demande d’aide.

« On m’a proposé spontanément de récupérer les arriérés, je n’avais pas bien compris sur internet. Il y avait trop d’informations. Je n’ose pas imaginer pour les personnes qui ne parlent pas bien français. »

« Le rôle du SECAL n’est pas clair pour moi, est-ce qu’il enquête sur la situation financière du débiteur ? Est-ce qu’il toque à toutes les portes pour trouver les revenus. Quel est son rôle ? »

« C’était difficile de savoir où il fallait envoyer le jugement ».

« C’est très laborieux pour un parent qui n’a pas la capacité de comprendre les démarches à faire ».

Le manque d’informations sur la suppression du plafond de revenus

Jusqu’en juin 2020, les parents devaient avoir des revenus inférieurs à un certain plafond pour bénéficier des avances du SECAL pour les contributions alimentaires dues pour les enfants. Au départ, le plafond de revenus était de 1 800 euros net par mois et ensuite de 2 200 euros net à partir de janvier 2020. Trois mamans interrogées avaient introduit une demande avant 2020 et s’étaient vu refuser l’aide du SECAL, car leurs revenus étaient légèrement supérieurs au plafond.

L’une d’entre elles a été informée par une amie que le plafond avait été supprimé en juin 2020 et une autre via le journal de la Ligue des familles (Le Ligueur). Une troisième a reçu un courrier du SECAL concernant sa fille aînée pour savoir si elle fréquentait toujours un établissement scolaire en 2021 alors qu’elle ne bénéficiait pas de l’aide du SECAL (elle avait un jugement depuis 2014).

« Par hasard, une amie qui reçoit l’aide du SECAL m’a dit que les conditions d’accès avaient changé et qu’il n’y avait plus de limite de revenus »

« En 2014, je pense que je gagnais trop. En 2021 j’ai été contactée par le SECAL pour savoir si ma fille allait toujours à l’école. Je n’ai pas compris pourquoi le SECAL m’écrivait alors que je n’avais pas d’aide. J’ai appelé et on m’a informée que j’avais droit à des avances pour mes trois enfants, car le plafond de revenus avait disparu. Donc le dossier dormait, mais si ma fille n’avait pas eu 18 ans, on ne m’aurait pas contactée pour m’informer que j’avais droit aux avances. »

Le manque de souplesse concernant les documents à fournir

Un des témoignages a mis en évidence le manque de souplesse du SECAL concernant le titre exécutoire, le jugement et la preuve de signification à fournir pour démarrer son intervention. Dans un cas précis, une maman n’avait plus la preuve de la signification de son jugement. Malgré une attestation sur l’honneur de l’huissier de justice qui avait retrouvé la facture pour ses prestations, mais pas le preuve de la signification, le SECAL a refusé d’intervenir. Or, les huissiers de justice sont des officiers ministériels publics et assermentés.

« Je n’avais plus la preuve de la signification du jugement en 2013 alors le SECAL ne voulait pas intervenir. Mon avocat avait déjà détruit mon dossier et l’huissier de justice a retrouvé la lettre d’accompagnement et la facture, mais pas la preuve en tant que telle de la signification. L’huissier de justice m’a fait une déclaration sur l’honneur, mais le SECAL a refusé alors qu’il est assermenté. Ils veulent la preuve de la signification et rien d’autre (…) La seule option est de recommencer une nouvelle procédure devant le Tribunal de la famille et d’avoir un nouveau jugement (…). J’hésite tellement c’est fastidieux. ».

Le manque de partage d’informations entre les différents services publics

Un autre témoignage souligne qu’il est contraignant de devoir fournir chaque année une preuve de la scolarité des enfants à charge de 18 ans et plus. Le paiement des avances du SECAL pour les enfants majeurs cesse automatiquement sauf si le parent bénéficie encore d’allocations familiales. C’est au parent de prouver au SECAL que son enfant continue à être à sa charge.

Il peut, par exemple, fournir au SECAL une attestation des allocations familiales ou une attestation de scolarité. Il pourrait être envisageable de donner l’accès au SECAL à ces données déjà disponibles pour d’autres pouvoirs publics afin de limiter les démarches fastidieuses et chronophages pour les parents.

 « Quand mes enfants auront 18 ans, il va falloir chaque année faire des démarches administratives pour prouver qu’ils sont encore scolarisés alors que cela pourrait être automatique. Il suffit d’un oubli et on risque de ne plus recevoir les avances. Le SECAL pourrait avoir lui-même les renseignements via l’État, les caisses d’allocations familiales ».

Les contributions alimentaires concernent les frais « ordinaires » à payer pour les enfants (logement, alimentation…). Les parents doivent par ailleurs se répartir, selon leurs facultés contributives, le paiement des frais « extraordinaires » : des frais imprévisibles ou limités dans le temps, tels que la crèche, un stage, une hospitalisation, un voyage scolaire, un appareil dentaire. Ces frais peuvent grimper à des milliers d’euros et sont, dans plus de la moitié des cas, impayés.

La plupart des frais extraordinaires ne peuvent pas être récupérés en passant par le SECAL. Ce dernier n’intervient que si ces frais font l’objet d’un forfait, ce qui est très rare.

« Mon ex ne paie jamais les frais extraordinaires ni la contribution alimentaire. Tous les frais scolaires, les médecins, les lunettes, les stages, je dois tout payer toute seule. ».

Le parent doit choisir entre recourir au SECAL pour les frais ordinaires ou faire appel à un huissier pour les frais extraordinaires

En principe, il existe une seule expédition d’un jugement. Tant le SECAL que l’huissier de justice conditionnent leur intervention à la remise de ce document unique signifié. Il n’est donc pas possible de solliciter leur aide en même temps. Pour récupérer tous les frais extraordinaires, le parent devra demander au SECAL de lui rendre l’expédition du jugement pour solliciter l’aide d’un huissier de justice. Le formulaire de demande du SECAL mentionne d’ailleurs que le parent doit fournir « la preuve de la fin d’intervention de l’huissier de justice ». Il s’agit d’un véritable casse-tête pour le parent qui devra calculer s’il est préférable de récupérer les frais extraordinaires via un huissier de justice, ce qui prendra de nombreux mois, ou de continuer à bénéficier de l’intervention du SECAL pour les avances des éventuelles contributions alimentaires impayées.

« L’avocat voulait faire la demande pour récupérer des arriérés par l’huissier de justice qui voulait l’original du jugement et le SECAL, pour faire les avances, voulait aussi l’original. Il y a un seul original et on ne peut pas faire les démarches en même temps »