Prise de position

Les violences faites aux femmes ne se limitent pas aux agressions physiques ou psychologiques. Elles prennent aussi une forme plus insidieuse, mais tout aussi destructrice : les violences économiques. Contrôler les ressources financières, restreindre l'accès à l'emploi, refuser de payer une pension alimentaire, maintenir une dépendance économique, toutes ces stratégies participent à une domination patriarcale qui enferme trop de femmes dans la précarité. Au-delà de la précarisation matérielle, elles maintiennent les femmes dans une spirale de stress et d’anxiété qui peut affecter leur santé mentale.
La Ligue des familles ainsi que 9 autres organisations appellent à un fonds universel et automatique de pensions alimentaires, sur le modèle de la France ou du Québec, par lequel transiteraient toutes les créances alimentaires – pas uniquement les situations d’impayés.
Une violence au sein du couple et post-séparation
Les violences économiques commencent souvent au sein du couple, où l’argent devient un instrument de pouvoir. L'agresseur surveille les dépenses, empêche sa partenaire d'accéder à un compte bancaire ou de travailler, la plongeant dans une dépendance totale. Après la séparation, cette emprise persiste.
En Belgique, près d’une femme sur deux devant recevoir une contribution alimentaire pour ses enfants ne la reçoit pas régulièrement. Trop de pères utilisent l'argent comme un moyen de contrainte, refusant de payer avec pour conséquence de maintenir leur ex-partenaire dans une situation de fragilité économique.
Ces pères n’acceptent pas de perdre la maîtrise de la gestion budgétaire du ménage. Ils sont persuadés que leur argent sera mal utilisé par leurs ex-compagnes, que celles-ci surévaluent les dépenses nécessaires aux enfants et leur demandent une contribution financière injuste.
Face à cela, la mise en place d'un calculateur unique et obligatoire du montant des créances alimentaires est indispensable pour limiter les conflits financiers post-séparation. Une meilleure compréhension du calcul contribuera à un meilleur paiement.
Faciliter l'accès au SECAL pour simplifier les démarches
Nos gouvernements prônent la simplification administrative pour améliorer l'efficacité des services publics. Il est urgent d'appliquer cette logique au Service des créances alimentaires (SECAL), un organisme public chargé de garantir le versement en cas de non-paiement, en lui donnant un accès direct au registre central des décisions judiciaires ainsi qu'aux informations relatives aux allocations familiales.
Cela permettrait de faciliter et d'accélérer les demandes d'aide, réduisant ainsi la charge administrative qui pèse sur les femmes. 92% des demandes sont introduites par des femmes, ce qui illustre à quel point les violences genrées.
Il est indispensable de renforcer ce dispositif et d’en simplifier l’accès pour éviter que ces femmes subissent une double peine : celle de l’abandon financier et des démarches administratives complexes.
Le SECAL doit rester accessible à toutes les familles, en ce compris dans des bureaux physiques (pas seulement dans les CPAS) et par téléphone pour lutter contre la fracture numérique.
Mieux encore, il est temps d’instaurer un fonds universel et automatique de pensions alimentaires, sur le modèle du Québec ou de la France. Toutes les créances alimentaires transiteront par ce fonds, pas uniquement les situations d’impayés. Au Québec, les pensions sont perçues dans 94,5% des dossiers depuis la création du service en 1995. La France a également franchi le pas : toutes les pensions alimentaires fixées par la justice passent par une agence publique depuis 2023. Le nombre d’impayés est passé de 30% à 10% en seulement une année.
L’accord de gouvernement Arizona prévoit d’examiner une utilisation obligatoire du SECAL dans les cas de violence intrafamiliale afin d’assurer le recouvrement des pensions alimentaires et de lutter contre la violence économique. Il s’agit d’un premier pas dans la bonne direction. Le gouvernement a toutes les cartes en main pour mettre en place un fonds universel des créances alimentaires mais n’en montre malheureusement pas l’ambition pour l’instant.
Selon une récente étude commandée par l’Institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes, la transformation du SECAL en un dispositif OPT-OUT (un système où toutes les pensions passent automatiquement sauf demande contraire et sous conditions) est une solution efficace pour garantir le versement régulier des pensions et lutter contre la pauvreté de toutes les familles monoparentales.

Un SECAL directement accessible et efficace
Actuellement, il faut attendre deux impayés pour solliciter l'aide du SECAL, ce qui plonge de nombreuses femmes dans une situation de précarité dès le premier défaut de paiement. Il est essentiel de permettre l'accès au SECAL dès le premier non-versement afin d'agir rapidement.
De plus, le montant des avances accordées par le SECAL n'a jamais été indexé depuis 2003 et reste limité à 175 euros. Il est nécessaire d'indexer ce montant immédiatement, puis d'augmenter progressivement ce plafond avant de le supprimer totalement pour garantir un soutien financier adéquat aux mères.
L’accord du gouvernement Arizona prévoit d’examiner si les plafonds peuvent être supprimés – la réponse est oui ! – et d’accorder automatiquement les avances.
Enfin, le SECAL devrait avancer les frais de signification - les coûts associés à la remise officielle de la décision par un huissier de justice - des jugements relatifs aux pensions alimentaires aux parents qui doivent les payer.
Cette démarche couteuse et nécessaire pour bénéficier de son aide constitue un frein financier important pour de nombreuses victimes. Réduire le coût de cette procédure permettrait d'assurer un accès plus rapide et efficace à ce service essentiel.
L'urgence d'agir pour protéger les femmes
La Convention d’Istanbul, ratifiée par la Belgique en 2016, reconnaît que la violence économique est une forme de violence faite aux femmes. Pourtant, les mesures pour la combattre restent insuffisantes. Il est urgent que l’État belge applique réellement ses engagements et renforce ses politiques publiques pour garantir l’autonomie financière des femmes.
Les violences économiques ne sont pas un dommage collatéral des séparations. Elles sont une arme, un outil de domination, une atteinte à la dignité des femmes. Il est temps d'y mettre fin.
Le 8 mars, levons la voix contre ces violences invisibles et insupportables.
Organisations signataires
La Ligue des familles, le Conseil des Femmes Francophone de Belgique, Vie Féminine, Soralia, l’Université des femmes, Des Mères Veilleuses, ACRF-femmes en milieu rural, le Centre Féminin d’Education Permanente, Furia, le Vrouwenraad.