Analyse

Etendre le système des titres-services au transport et à l’accueil des enfants : une solution adaptée aux réalités des familles ?

Dans  sa déclaration politique 2019-2024, le Gouvernement wallon a indiqué son souhait d’étendre le système des titres-services à l’accueil et au transport d’enfants de 3 à 11 ans pour « proposer une alternative de qualité aux parents qui ont des horaires tardifs ».

Les familles sont en effet placées devant des défis organisationnels qui relèvent parfois de l’impossible et peuvent confiner à l’épuisement. Le baromètre de la Ligue des familles en atteste malheureusement de manière récurrente : 8 parents sur 10 éprouvent des difficultés à concilier vie familiale et vie professionnelle, et 1 sur 4 ressent souvent –voire en permanence– un risque de burn out parental.

Une telle extension pourrait permettre de rencontrer certaines demandes des familles et de faciliter concrètement l’organisation de la vie familiale au quotidien : rentrer chez soi directement après le travail, voir l’ensemble de ses enfants pris en charge en même temps, avoir une aide pour des activités à domicile (telles que donner le repas ou le bain)…

Ces perspectives positives doivent cependant être nuancées à la lueur de différents arguments. Ceux-ci ont notamment été pointés par les secteurs de l’accueil de la petite enfance, de l’accueil temps libre[1] ou encore les organisations syndicales qui ont communément dénoncé les risques et limites d’une telle mesure.

La Ligue des familles rejoint l’essentiel de ces différentes critiques: le manque de garanties concernant l’encadrement des enfants, l’accès inégalitaire à ce dispositif, le coût important pour les pouvoirs publics, et le risque de dérégulation du secteur.

Les emplois du secteur titres-services occupent majoritairement des personnes peu qualifiées –c’était l’un des objectifs de la mesure– mais ce qui caractérise en premier lieu la population qui y travaille, c’est que ce sont dans l’immense majorité des cas des femmes. Parmi ces femmes, de nombreuses sont cheffes de ménage, notamment dans des familles monoparentales.

À l’heure d’un regain justifié d’attention pour l’égalitarisme entre les genres, et d’une reconnaissance croissante des difficultés vécues par les femmes de manière structurelle dans notre société, est-il légitime que, pour que des familles avec des revenus suffisants puissent concilier leur obligations professionnelles et familiales, d’autres moins favorisées soient amenées renoncer à passer du temps avec leurs enfants ?

Car en souhaitant améliorer la qualité de vie d’une partie de la population, c’est peut-être la dégradation de celle d’une autre partie de la population que l’on accentue.

Étendre le système des titres-services à l’accueil d’enfants a donc tous les atours d’une fausse bonne idée.

La Ligue des familles plaide donc prioritairement pour :

  • La nécessité de développer des solutions accessibles à toutes et tous de garde d’enfant collectives, publiques, encadrées par des acteurs formés, notamment par un refinancement du secteur accueil temps libre et l’élargissement des horaires de garderie.
  • La nécessité de mener une réflexion globale sur l’organisation de la société et du monde du travail. Une réflexion qui doit placer la vie de famille et le développement de l’enfant au cœur de ses priorités, et se faire avec l’ensemble des parties concernées.

La nécessité de construire des solutions structurelles innovantes, en y impliquant l’ensemble des parties prenantes (dont les employeurs, le secteur associatif, les syndicats…) afin de rendre l’organisation de la société adaptée aux réalités et besoins des familles

 

[1] L’«Accueil Temps Libre» regroupe plusieurs secteurs œuvrant à destination des enfants âgés de 3 à 12 ans: l’accueil extrascolaire, les écoles de devoir, et les centres de vacances.

 

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