Analyses et études

Pour en finir avec l'aliénation parentale

Contexte

Dans le cas d’une séparation conflictuelle, il arrive qu’un enfant accuse l’un de ses parents de violences et refuse catégoriquement de le voir, se replie dès qu’il est en contact avec lui ou formule des reproches qui peuvent faire penser à un discours appris de l’autre parent. Depuis les années 80, le concept de « l’aliénation parentale » a fait son apparition devant les tribunaux de la famille et dans les cabinets médicaux pour expliquer ces situations. Selon ce concept, l’enfant serait soumis au parent dit « aliénant » et n’arrive plus à faire place à l’autre parent. Le syndrome « d’aliénation parentale » fait l’objet de débats dans le monde scientifique et juridique tant en Belgique qu’à l’étranger.
Ce concept est régulièrement invoqué pour remettre en cause des accusations de violences psychologiques, physiques et sexuelles portées par les enfants et/ou un des parents, le plus souvent la mère, dans le cadre d’une séparation difficile. Les parents qui s’opposent à un hébergement chez l’autre ou demandent une autorité parentale exclusive au motif que des faits de violences physiques et/ou sexuelles se sont produits durant la vie commune ou durant la séparation sont accusés de manipuler les enfants. Dans certains cas, ces parents, pour ne pas dire ces mères, puisque ce sont la plupart du temps les femmes qui sont concernées, risquent même de perdre totalement la garde de leurs enfants alors qu’elles essaient de les protéger. Qualifiées d’affabulatrices, toxiques, aliénantes par le parent violent qui leur reproche d’avoir manipulé les enfants pour leur faire croire qu’ils ont été victimes de violences pour obtenir la garde.
La théorie de l’aliénation parentale développée par un psychologue américain, Richard Gardner, fait l’objet de nombreuses critiques quant à ses fondements scientifiques, son diagnostic et ses propositions pour « déprogrammer les enfants ». Lorsqu’elle est invoquée, la parole de l’enfant n’est plus écoutée et sa souffrance est ignorée.
Pourtant, selon une étude canadienne qui a analysé 7.672 cas de maltraitances sur des enfants signalées aux services sociaux dans une situation de conflit concernant la garde des enfants, seulement 2 dénonciations étaient fausses. Bien sûr, un parent accusé de violences reste présumé innocent.
Néanmoins, l’invocation de ce concept qui n’a aucun fondement scientifique n’est incontestablement pas un motif suffisant pour que la parole de l’enfant soit niée ou les accusations d’un parent balayées d’un revers de la main au motif qu’il serait « aliénant ».
A l’instar de nombreux spécialistes, comme par exemple les juges de la Cour Européenne des Droits de l’Homme et la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences, la Ligue des familles dénonce le recours à un syndrome non scientifiquement prouvé dans le cadre d’une séparation violente. Les professionnel·le·s du droit et de la santé doivent toujours placer la parole de l’enfant au centre des débats et essayer de comprendre les raisons qui le poussent à rejeter un de ses parents.
La Ligue des familles ne nie pas que l’enfant puisse être entraîné dans le conflit qui existe entre ses parents, ce qui lui cause une souffrance profonde lors de la séparation. Vivre un tel conflit, même lorsqu’il n’y a pas de violences avérées, est un sentiment néfaste pour l’enfant qui se sent piégé et peut avoir l’impression de devoir prendre parti ou choisir entre ses parents. Ce conflit peut être renforcé par l’attitude -involontaire ou non- des parents, par exemple en cas de dénigrement de l’ex-partenaire, de ses nouveaux choix de vie, de sa manière de s’occuper de l’enfant, etc. Cette situation peut, dans certains cas, pousser un enfant à prendre parti pour le parent qu’il estime victime de la séparation. Elle peut également avoir pour conséquence que l’enfant ne conserve pas une image constructive de ses deux parents. Dans ces cas malheureux, l’enfant souhaite parfois limiter les contacts avec un de ses parents ou refuser de se rendre chez lui. Néanmoins, l’utilisation du syndrome d’aliénation parentale cause des dégâts irréversibles puisqu’il consiste à simplifier à outrance la situation en considérant que l’enfant est influencé par un des parents et qu’il ne faut pas tenir compte de son refus de maintien du lien alors que ces situations sont difficiles à comprendre et nécessitent, au contraire, une prise en charge et spécialisée.
Pour la Ligue des familles, l’invocation de l’aliénation parentale lorsqu’une mère ou ses enfants accusent un père de violences familiales est inacceptable, viole l’intérêt supérieur de l’enfant et ne devrait plus être possible devant les tribunaux familiaux et de la jeunesse ou dans les cabinets médicaux. Bien que le parent accusé reste présumé innocent, la parole de l'enfant ne peut pas automatiquement être écartée.
La présente analyse se limite aux cas dans lesquelles les enfants et/ou un des parents accusent l’autre parent de violences. En Belgique, environ 1 personne sur 3 (32,2%) âgée de 18 à 74 ans a déjà subi des violences sexuelles, physiques ou psychologiques par un (ex-)partenaire intime. Cependant, les violences familiales sont rarement dénoncées. Selon des chiffres européens de 2022, moins d’un quart des femmes dénoncent les faits de violences conjugales à la police. D’après une étude commandée par l’Institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes en 2010 (dernières données disponibles en Belgique), seulement 12% des faits de violence avaient fait l’objet d’une plainte à la police dans notre pays3.

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