Communiqué de presse

Parent, un bullshit job selon le prochain gouvernement ?

Projet de réforme du marché du travail

Ce jeudi, les négociateurs du gouvernement fédéral aborderont le chapitre consacré au marché du travail. La Ligue des familles a analysé la réforme du droit du travail prévue dans les notes successives du formateur Bart De Wever. Une réforme qui demanderait toujours plus de flexibilité aux parents, alors que les besoins des enfants et les horaires d’école, eux, ne sont pas flexibles. Si cette réforme était mise en œuvre, elle mènerait à plus de travail de soirée, nuit, week-end ; à plus d’horaires fractionnés ; à des semaines de travail beaucoup plus longues à certaines périodes de l’année. Comme si être parent était un « bullshit job » et que les parents pouvaient se plier à toutes les contraintes horaires sans limites, sans craquer, et sans conséquences pour leurs enfants.

Les négociateurs du gouvernement fédéral ont prévu d’aborder ce jeudi un premier chapitre de la « supernota » socio-économique consacré au marché du travail. La Ligue des familles a analysé les mesures présentes dans les versions successives de la note De Wever.

Une conciliation des temps encore plus difficile pour les parents, et en particulier les femmes

La note De Wever prévoit de supprimer l'interdiction du travail de nuit, du dimanche et des jours fériés (qui existe aujourd’hui mais constitue l’exception, possible à des conditions strictes). Cela favoriserait le travail aux moments où les écoles et crèches sont fermées et où les parents doivent s’occuper de leurs enfants. Le temps de travail pourrait également davantage varier selon les semaines ou les périodes de l’année en fonction des besoins de l’employeur. Dans le commerce par exemple, il pourrait être demandé aux parents de travailler de longues journées ou semaines au moment de Noël, période chargée, et moins à d’autres moments de l’année, indépendamment de leurs contraintes familiales.

Une conciliation des temps encore plus difficile pour les parents, et en particulier les femmes

Des revenus moindres et un accès à l’emploi complexifié

D’autres mesures mettraient à mal les budgets familiaux, directement ou indirectement, en réduisant les possibilités de travailler. Les parents qui travaillent de nuit, avec toutes les difficultés d’organisation familiale que cela implique, ne seraient payés davantage qu’à partir de minuit, au lieu de 20h aujourd’hui, générant une baisse significative du salaire. La future majorité envisage aussi la suppression des heures de travail minimales : un employeur pourrait faire signer un contrat pour une seule heure par jour ou pour quelques heures fragmentées sur la journée. Cela ferait exploser les coûts financiers liés aux trajets et empêcherait le parent concerné de compléter ailleurs son horaire de manière à travailler suffisamment et à faire vivre sa famille.

Certains parents peuvent être séduits par une flexibilité accrue des horaires de travail. Mais tous ne disposent pas des mêmes soutiens familiaux pour la garde des enfants ni des mêmes capacités de négociation avec leur employeur. Les horaires scolaires et les besoins des enfants ne sont pas flexibles, et la majorité des familles n’ont pas les moyens d’engager quelqu’un pour s’occuper de leurs enfants avant ou après l’école. Les femmes, en particulier, risquent de pâtir de ces dispositions, elles qui continuent, dans la majorité des cas, à assumer l’essentiel de la prise en charge des enfants. Elles seront davantage conduites à rester à la maison ou à prester à temps partiel, si ces horaires de travail revus sont incompatibles avec la vie de famille.* Les parents qui cherchent désespérément du travail, qui occupent un emploi précaire, qui travaillent dans un secteur difficile ne seront pas en mesure de négocier des horaires qui leur conviennent et devront s’ajuster à ceux de l’entreprise, si éloignés soient-ils de leurs besoins familiaux.

Fin des allocations de chômage pour un parent qui ne peut pas travailler la nuit ou le week-end ?

Les allocations de chômage devraient par ailleurs devenir limitées dans le temps. Au terme d’une période maximale de deux ans, un parent sans emploi devrait, selon la note De Wever, accepter une offre d’emploi qualifiée de « finale ». Mais que feront les parents si cet emploi implique des horaires incompatibles avec la vie de famille ? Cette difficulté concernera avant tout les familles monoparentales, mais aussi les parents dont les conjoints travaillent également à l’heure où il faut s’occuper des enfants.

Stop au détricotage du droit du travail, cadre essentiel pour protéger les parents qui travaillent

Ce ne sont pas des situations marginales : le travail à horaires atypiques concerne de nombreux secteur : soins de santé, horeca, commerce, nettoyage, gardiennage, industrie... ; et nombre d’entreprises ont des besoins de travail accru à certaines périodes et moindres à d’autres. Le droit du travail fixe un cadre, une protection essentielle pour protéger les parents qui travaillent. Le détricoter de la sorte, en plus de compliquer davantage une conciliation déjà difficile entre vie professionnelle et familiale, réduira tout simplement les possibilités d’emploi pour de nombreux parents – au premier rang desquels les femmes et les travailleurs et travailleuses précaires.

Cette réforme n’a pas encore été validée définitivement, il est encore temps d’éviter cela. La Ligue des familles appelle les partis autour de la table à écouter les difficultés des parents qui travaillent et à mettre en place de véritables mesures favorisant la conciliation entre vie familiale et professionnelle.

 

* A noter que dans le même temps, le futur gouvernement envisage de supprimer le quotient conjugal, soutien fiscal aux ménages dans lesquels l’un des membres travaille peu ou pas, et la pension de survie, à laquelle ont droit les personnes qui ont peu de revenu si leur conjoint décède (lire ici notre analyse de la note De Wever à ce sujet). Deux mesures qui auraient un impact considérable pour les femmes contraintes de réduire leur temps de travail ou d’arrêter temporairement de travailler pour s’occuper de leurs enfants.

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