Étude

Ces familles qui souffrent des frais scolaires

Chaque année, la Ligue des familles remet le couvert et demande une mise en place effective de la gratuité scolaire. Mais pourquoi au fond ? Est-ce vraiment si cher ? Si grave ? N’est-ce pas simplement le prix à payer pour bénéficier d’une école de qualité ? Pour y répondre, l’organisation a choisi cette année de donner la parole à 7 familles très diverses, mais unies par leur difficulté à faire face aux frais scolaires.  

La scolarité implique actuellement une série de coûts. Certains sont autorisés. D’autres, toujours nombreux, flirtent avec le droit, voire sont franchement illégaux. Toujours est-il que ces frais sont souvent importants et fragilisent les familles plus précaires.

Pour le matériel scolaire, l'année passée, je suis arrivé à 750 euros pour les trois enfants. C'est énorme. (...) C'est la moitié de ce que je touche chaque mois ! Pour payer ça, tous les mois, je retire 50 euros de mon budget pour qu'une fois arrivée en septembre j'aie assez d'argent. (...) Il y a des moments où on doit vraiment serrer la ceinture (…)

Une préoccupation de chaque instant

Pour faire face aux charges les plus importantes comme la rentrée scolaire, ou un voyage scolaire, les parents les diluent dans le temps. Chaque coût doit être anticipé et reste une charge constante dans l’esprit. Les familles doivent se débrouiller pour faire face à ces coûts qui excèdent parfois leur capacité financière. Cette ingénierie est une charge mentale de tous les instants pour les parents, principalement pour les mamans qui sont le plus souvent à la manœuvre.

« J'essaie toujours de trouver une solution pour payer et qu'ils partent [en classe verte]. Même si des fois, je m'énerve… je m’écroule sous les frais et tout... »

L’école avant le frigo

« J'ai un carnet où je note. Je sais que j'ai mon loyer et toutes mes factures à payer, et après je mets ce coût [de l'école] là-dedans et après, avec ça, c'est là que je sais avec quoi je vais manger le mois (…) Donc c'est ça, tu dois mettre les trucs prioritaires, puis l'école et après, avec ça, tu sais avec quoi tu vas vivre, te nourrir."

Cet ordre de priorité induit dans le budget des familles semble partagé par tous les parents interrogés dans cette enquête. Les enfants, et par extension l’école, viennent en priorité avant beaucoup d’autres postes. Ceci peut induire une forme de comportement sacrificiel de la part des parents qui vont renoncer à de nombreuses dépenses pour eux afin de pouvoir continuer à payer les frais de l’école. Ainsi, une maman expliquait postposer l’achat de nouvelles lunettes tandis que d’autre nous expliquaient ne jamais partir en vacances en familles tout en payant des sommes très importantes en classes vertes ou en classe de neige.

Et pourtant, elles paient

Malgré ces difficultés, la plupart des familles paient, ce qui rend parfois ces difficultés rencontrées par les parents difficilement perceptibles. En effet, grâce aux solidarités mécaniques (comme le CPAS) ou organiques (comme le recours aux proches), des parents arrivent à supporter ces charges. Demander ces aides n’est pas chose aisée. Les parents concernés souffrent de leur incapacité à payer et vivent cette dépendance à l’aide comme une humiliation.

« On a le sentiment de mendier. Ce n’est pas être un mendiant dans la rue, mais c'est aller solliciter ... c'est ravaler ce que l'on est, sa fierté. »

Puis il y a ceux qui n’y arrivent pas. On rencontre là des cas dramatiques, comme ces situations humiliantes pour les enfants lorsque les enseignant·e·s ne permettent pas à l’enfant de participer à un cours, tout en lui demandant d’être présent pour regarder ses camarades de classe. Lorsque la pression est mise pour vendre toujours plus de billets de tombola. Ou lorsque les impayés mènent à l’exclusion de l’école.

Une relation tronquée

La relation entre parent et école est un enjeu important. Pourtant, les témoignages des parents qui sont mis en difficultés par les coûts scolaire montrent à quel point une relation de qualité est rendue difficile par l’existence des frais scolaires.

« L'argent c'est un polluant des relations avec l'école, parce qu'on est obligé d'étaler sa vie privée et de dire aux uns et aux autres qu'on est ... qu'on a cette vie-là quoi. Or (…), on a envie de le cacher pour garder cette dignité (…) et pour être à la même hauteur que tout le monde. »

Et lorsque l’école enfreint les règles en matières de coûts scolaire, les parents ne le savent pas, ou craignent de réagir. C’est pour ces raisons que la Ligue des familles demande qu’il soit mis en place une inspection de la gratuité scolaire.

« Vous savez, il y a des choses qui sont peut-être interdite par la loi, mais nous, on ne le sait pas donc on est obligé de faire ce qu'ils disent. (...) Quand on va batailler avec l'école, il faut être solide. (…)Et puis, ils peuvent mettre mon enfant dehors après ou quoi que ce soit... C'est un pot de fer contre un pot de sable. Et entre moi et l'école, c'est sûrement eux qui vont gagner. Donc je préfère rester dans mon silence. »

Ne pas s’arrêter au maternel

La gratuité des fournitures scolaires a été instaurée progressivement dans l’enseignement maternel : d’abord en 1ère maternelle en 2019, puis en 2ème en 2020 et enfin en 3ème lors de cette rentrée 2021. Et la suite alors ? C’est là toute la question que veut poser la Ligue des familles. A ce jour, rien n’est prévu – et encore moins voté – pour l’enseignement primaire et secondaire.

Pourtant, ces niveaux représentent un coût plus important pour les familles et doivent donc également évoluer vers la gratuité. La Ligue des familles demande de poursuivre le mouvement et d’instaurer progressivement, dès la rentrée 2022, la gratuité des fournitures scolaires et le plafonnement du coût des voyages à l’école primaire. Cela implique de veiller à un financement adéquat des écoles, afin que la gratuité ne soit pas perçue comme un frein à l’organisation de certaines activités ou à la bonne qualité de l’enseignement.

C’est d’ailleurs ce qui était prévu dans le Pacte pour un enseignement d’excellence : « le renforcement de la gratuité doit s’envisager de manière séquentielle en priorité dans l’enseignement maternel, puis dans l’enseignement primaire, puis dans l’enseignement secondaire », ainsi que dans l’accord de gouvernement, qui entendait « poursuivre et renforcer les mesures adoptées en matière de gratuité scolaire et fixer un échéancier progressif de mise en œuvre de la gratuité ». Les difficultés vécues par les familles nous montrent à quel point il est urgent de concrétiser ces engagements.

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