Communiqué de presse
Depuis de nombreuses années, les voix des magistrats et des avocats s’élèvent pour alerter le monde politique quant à l’état catastrophique de la Justice et de l’arriéré judiciaire. La situation est particulièrement critique et alarmante au Tribunal de la famille. Des parents séparés doivent parfois attendre plusieurs années pour régler l’hébergement des enfants et obtenir ou adapter des pensions alimentaires. Des couples doivent attendre des années également pour pouvoir divorcer et régler leur séparation sur le plan financier.
C’est pourquoi la Ligue des familles, les avocates du cabinet bruxellois KHK, spécialisées en droit de la famille, ainsi que plusieurs dizaines de leurs clients, ont décidé de mettre le Ministre de la Justice face à ses responsabilités.
La défaillance du système judiciaire n’est pas chose nouvelle. Le Ministre de la Justice ne l’ignore pas, mais n’y remédie pas.
Si cela concerne la majorité des juridictions francophones du pays, la situation est particulièrement critique et alarmante au sein des juridictions familiales qui font face à un manque persistant et manifeste de magistrats mais également de personnel judiciaire, ce qui entraîne un retard devenu intolérable dans le traitement des dossiers des citoyens.
Face à l’inertie du Ministre responsable et du législateur, tant la Ligue des Familles que les membres du cabinet KHK considèrent qu’il est de leur devoir d’agir aux côtés des justiciables par le biais d’une action en responsabilité contre l’Etat belge afin de défendre un des piliers de l’Etat de droit.
Me Nadine Kalamian, porte-parole et associée de KHK, fait le constat d’une forme de maltraitance et d’un épuisement tant des magistrats que des acteurs de la justice, ce qui préjudicie les citoyens et conduit désormais à de véritables drames familiaux : «Nos clients attendent des mois, voire des années pour que des questions aussi fondamentales que celles touchant à la garde de leurs enfants ou au partage de leur patrimoine soient tranchées. Les avocats sont pour leur part confrontés en permanence et avec impuissance, à la détresse et au mécontentement des justiciables. Toute forme d’interpellation est demeurée lettre morte et sans effets. Il n’y a donc plus d’autre choix que celui d’agir pour protéger et garantir notre droit au libre exercice d’une profession dans de bonnes conditions, ainsi que les droits fondamentaux des justiciables » déclare-t-elle.
Pour la Ligue des familles, « nous parlons ici de parents séparés qui doivent attendre deux ans un jugement relatif à l’hébergement des enfants. D’ex-conjoints qui attendent pendant trois ans une révision de la pension alimentaire suite à un changement de situation financière. De personnes qui ont divorcé il y a deux ans et qui attendent toujours de pouvoir récupérer le fruit de la vente de leur logement, bloqué dans l’attente d’un jugement. Selon les cas, des parents se retrouvent en difficulté financière à cause de cet arriéré judiciaire, ne peuvent pas voir leurs enfants suffisamment et perdent avec eux un temps précieux qu’ils ne récupéreront jamais, et sont empêchés de refaire leurs vies. »
Selon les avocates des requérantes, Me Audrey Despontin et Me Audrey Lackner, l’action intentée repose sur un simple constat : « Le pouvoir judiciaire est méprisé par les autres pouvoirs, et ce depuis trop longtemps. Le Ministre de la Justice a des obligations légales pour assurer le bon fonctionnement des Cours et Tribunaux, et en dépit de multiples condamnations à ce sujet – en ce compris par la Cour européenne des droits de l’Homme – son inertie reste totale. C’est inacceptable ».
« Il faut rappeler, précisent-elles, que l’article 6 de la CEDH prévoit le droit, pour les justiciables, de voir leur dossier traité dans un délai raisonnable, celui-ci s’appréciant avec une sévérité accrue lorsque l’on touche à des questions urgentes par nature, comme celles qui se posent en matière familiale. Or, force est de constater que ce droit fondamental est quotidiennement violé ».
Toujours selon les avocates, « Il est particulièrement inquiétant que l’Etat n’entende pas se saisir de cette question et ignore la problématique, quitte à décrédibiliser la Justice aux yeux des citoyens ».
L’affaire sera signifiée aujourd’hui par huissier à l’Etat belge. L’audience d’introduction est fixée au 18 octobre devant le Tribunal de 1ère instance.