Étude
La reconnaissance et le financement des structures d’accompagnement à la parentalité
Depuis plusieurs dizaines d’années, de nombreux projets associatifs ont vu le jour dans un contexte où la condition parentale[1] a considérablement évolué et où le rôle de parents peut être difficile à exercer, particulièrement dans des situations de précarité ou de vulnérabilité sociale et lorsque l’État ne parvient pas à garantir l’exercice des droits fondamentaux par les enfants et leurs parents[2]. Ces structures tournées vers la parentalité, bien conscientes des nombreux obstacles qui peuvent mettre en péril le bien-être des parents, des enfants et de toute la famille, proposent une multitude de formes d’accompagnement à la parentalité et cherchent à développer des dispositifs spécifiques pouvant les épauler au mieux.
Il existe aujourd’hui sur le territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles (ci-après FWB) plus de 250 structures qui, d’une manière ou d’une autre, offrent un service d’accompagnement à la parentalité. Ces structures sont multiformes et extrêmement diversifiées sur une série de points : actions spontanées de citoyens, démarches de professionnel.le.s ou initiatives publiques ; activités individuelles, collectives ou communautaires qui peuvent prendre une multitude de formes ; associations bénéficiant d’un agrément ou non, d’un financement qui peut être facultatif ou plus structurel, ou encore dépendantes des dons et des bénévoles qui s’y impliquent ; elles peuvent être plus ou moins grandes selon le nombre d’usagers, mais aussi d’employé·e·s et de volontaires qui y travaillent ; elles sont fortement implantées dans un quartier, sous forme de structure unique, ou opèrent avec plusieurs antennes ; etc.
Cette hétérogénéité est tout d’abord la manifestation de la multitude des difficultés qui viennent fragiliser les possibilités de s’épanouir dans sa condition de parent, a fortiori lorsque celle-ci se vit en situation de vulnérabilité ou de pauvreté. Mais elle révèle aussi l’incroyable inventivité des acteur·rices du terrain dans la mise en œuvre des stratégies d’accompagnement à la parentalité. Cette diversité est revendiquée haut et fort par chaque structure qui ne veut abandonner sur l’autel de l’homogénéisation aucune des spécificités de son action, toujours la plus proche possible des demandes des familles. À cet égard, nous ne saurions que trop insister sur l’extraordinaire engagement de tous.tes les travailleur.euse.s rencontré.e.s durant cette étude, et la force de leur résilience face à des problématiques complexes et au manque structurel de moyens auquel ils et elles doivent faire face quotidiennement.
Car l’éclatement du secteur est également le reflet de celui des pouvoirs publics en charge des matières auxquelles touche la question de l’accompagnement à la parentalité. Celle-ci est en effet transversale – où devrait-on dire centrale ? – et au carrefour de multiples compétences, dont l’Enfance, l’Aide à la jeunesse, l’éducation permanente, la Santé ou l’Action et la Cohésion sociale, pour n’en citer que quelques-unes. Sur le territoire de la FWB, ces sujets concernent tant des compétences communales que régionales et communautaires. Comment donc s’y retrouver, pourquoi et comment accompagner la parentalité dans un contexte aussi hétéroclite ? Et plus particulièrement, comment assurer une existence, une pérennité et une cohérence au secteur sans rien hypothéquer de sa pluralité et des spécificités qui font la richesse de chaque association ?
Le défi est de taille et – au-delà du travail des associations sur le terrain – au cœur de l’action de nombreuses parties prenantes depuis longtemps. Tout spécialement l’Office de la Naissance et de l’Enfance (ci-après ONE), qui a reconnu le soutien à la parentalité comme une de ses missions transversales en 2002 et s’est également dotée d’une cellule de soutien à la parentalité tout spécifiquement dédiée au développement de cette mission, mais aussi à l’accompagnement de nombreuses structures travaillant dans le secteur. De nombreux autres organismes participent à la réflexion, chacun avec son propre angle d’attaque : Viva for Life de l’ASBL CAP48, la Fondation Roi Baudouin, le Délégué général aux droits de l’enfant (ci-après DGDE), l’Observatoire de l’Enfance, de la Jeunesse et de l’Aide à la Jeunesse (ci-après OEJAJ), l’Observatoire de l’enfant de la Commission communautaire française (ci-après l’Observatoire de la Cocof), et bien d’autres. De nombreuses et nombreux mandataires ou conseiller·ère·s politiques qui ont des compétences en lien avec la matière prennent également part au chantier.
L’étude sur les services de soutien à la parentalité mandatée à la Ligue des familles par la Ministre de l’Enfance s’inscrit dans cette voie : l’objectif principal au terme de cette première phase de recherche est d’avoir une compréhension des différents types d’associations actives dans le secteur et de voir dans quelle mesure – au moyen des instruments juridiques et financiers à sa disposition – la Fédération Wallonie-Bruxelles peut proposer la mise en place d’un cadre plus cohérent et adapté aux besoins des structures, tout en préservant les spécificités et potentialités de ce secteur diversifié.
Cette étude doit donc être placée dans ce contexte et appréhendée à sa juste mesure : il ne s’agit pas ici de substituer le fruit de ce travail à l’expérience et la connaissance de l’ensemble des parties prenantes du secteur. Consciente des limites de cette étude (voir point A.5.), la Ligue des familles aspire cependant à ce que l’angle spécifique par lequel elle aborde la problématique complexe de l’accompagnement à la parentalité puisse constituer une pierre de plus à l’édifice. En cherchant à fournir des réponses concrètes et innovantes aux difficultés rencontrées par le secteur de l’accompagnement à la parentalité, la Ligue n’a pas d’autres ambitions que celle de construire une société mieux adaptée aux réalités des familles.
Pour ce faire, elle propose un développement en trois parties : la première contextualise plus avant le cadre de l’étude et expose sa méthodologie (A.). La deuxième partie examine dans le détail l’état de la situation et analyse, sur base des rencontres organisées avec les associations, leurs besoins (B.). Enfin, la dernière partie développe des recommandations et propositions plus concrètes en vue d’organiser le secteur dans les prochaines années (C.).
[1] Martin C., « ‘Mais que font les parents ?’ : Construction d’un problème public », ‘Être un bon parent’ : une injonction contemporaine, Rennes, Presses de l'EHESP, 2014, p. 9.
[2] Voir notamment : Délégué général aux droits de l’enfant, Droits de l’enfant: Rapports Pauvreté 2009 – 2019 et Activités 2018 – 2019, 2019 (http://www.dgde.cfwb.be/index.php?id=8639) ; Fondation Roi Baudouin, Pour une réponse structurelle à la précarisation des familles monoparentales en Belgique, juin 2014 (https://www.kbs-frb.be/fr/Virtual-Library/2014/312417) ; Schepers W. et Nicaise I., Investir dans l’enfance pour briser le cercle vicieux de l’inégalité : Analyse des politiques nationales, Country report Belgique, 2013 (https://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=89&langId=fr&newsId=2061&moreDocuments=yes&tableName=news) ; La Ligue des familles, Le baromètre des parents 2018, novembre 2018 (https://www.laligue.be/Files/media/495000/495961/fre/barometre-2018-version-coordonnee-3-nd.pdf) ; La Ligue des familles, Le baromètre des parents 2020, décembre 2020 (https://www.laligue.be/Files/media/520000/520621/fre/20201207-barometre-2020.pdf) ; W. Lahaye, G. Thollembeek et al., De l’impact des projets liés à la lutte contre la pauvreté infantile (EIPPI), Rapport de recherche, en collaboration avec l’ONE, la Fondation Roi Baudouin et Cap48, 2020 (https://www.one.be/fileadmin/user_upload/siteone/PRO/Recherches/Evaluation-projets-lutte-contre-pauvrete-infantile.pdf).